Soft discount : ce nouveau modèle venu de l’étranger qui pourrait créer de l’emploi en France

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C’est un nouveau concept venu de plusieurs de nos voisins européens : il existe des points de vente dits de « soft discount » partout en Allemagne, en Roumanie, aux Pays-Bas ou de l’autre côté de la Manche, en Angleterre, mais finalement encore peu en France où, toutefois, le modèle émerge petit à petit et s’installe dans le paysage des consommateurs. « Le soft discount est une sorte de hard discount en version chic », explique avec le sourire un professeur de l’Université Paris Dauphine, spécialisé dans les stratégies marketing.

 

« On ne cesse de le dire, les distributeurs, ceux de la grande distribution mais aussi dans une moindre urgence tous les distributeurs spécialisés, dans le sport, le vêtement, la beauté, le bricolage, l’automobile voire la jardinerie, tous, doivent repenser leurs modèles s’ils ne veulent pas péricliter car le client évolue, ses attentes aussi, et il ne fait pas de sentiment ; le soft est un nouveau type de point de vente qui vise à s’adapter à ces nouvelles demandes en proposant du moins cher, mais avec une expérience d’achat qualitative ». Des surfaces plus petites, souvent installées en cœur de ville, avec peu de références, à peine 2 ou 3000, des prix bas, mais rien à voir en termes d’accueil et de services avec le hard discount : dans les magasins « soft », vous êtes accompagné et conseillé si besoin, les magasins sont modernes et joyeux, le frais, le local et le bio sont privilégiés, et le phygital ultra présent avec des outils numériques dernier cri (par exemple des applis pour « naviguer » dans le magasin en fonction du meilleur rapport qualité prix dans telle ou telle gamme de produits recherchés) ou la possibilité de se renseigner par whatsapp.

 

« C’est un modèle économique qui fonctionne sur la fidélisation des clients urbains, ceux qui viendront, à terme, tous les jours chercher ce qu’il leur faut pour les repas ou les petites nécessités du quotidien. Ceux qui, au bout d’un moment, systématiseront leurs achats en bas de chez eux dans le magasin soft où ils trouvent tout ce qu’il leur faut sans se ruiner, et qui n’hésiteront plus à y venir même  plusieurs fois par jour, s’ils ont oublié quelque chose ou s’ils se rendent comptent qu’il leur manque autre chose. Ceux qui, finalement, cesseront petit à petit d’utiliser leur voiture pour aller faire un énorme plein de courses hebdomadaires le samedi pour ne plus s’approvisionner que dans le soft en bas de chez eux », explique l’Observatoire de la Grande Distribution, à propos des magasins Supeco, la nouvelle enseigne soft de chez Carrefour, tout juste inaugurée dans deux villes du nord de la France.

 

D’autres, comme le suédois Normal ou le britannique B&M, ont déjà développé ce modèle depuis plusieurs années et l’exportent aussi en France, de plus en plus. Et le succès est au rendez-vous : les clients affluent, le modèle se développe et l’emploi suit : « on propose des prix entre 20 et 40% moins cher qu’en grande surface », explique Léonce, recruté pour manager un magasin « Normal » dans le Val de Marne, en banlieue parisienne, spécialisé dans les produits d’hygiène et de beauté. « Le premier levier, c’est qu’on achète nos références dans des volumes conséquents, avec des achats groupés pour nos 200 magasins européens, ce qui nous permet de faire baisser les tarifs. Le deuxième levier, c’est que tout le monde est intéressé par les prix bas, mais les consommateurs ne veulent plus du hard discount punitif sous forme d’entrepôts où on vous renvoie sans cesse le message que vous êtes là parce que vous n’avez pas les moyens d’être dans les enseignes plus accueillantes. Ils veulent les prix bas mais l’environnement agréable et les services de vente des enseignes haut de gamme. C’est bon pour l’emploi parce qu’on recrute beaucoup pour développer ces magasins un peu partout en France, et assurer le service que les gens attendent pendant leur expérience d’achat ».

 

« Les enseignes ont compris que le pouvoir d’achat des Français restait leur préoccupation majeure, et elles s’apprêtent à ouvrir encore beaucoup de ces magasins inspirés de l’étranger et où on trouve un peu de tout, du maquillage au bricolage en passant par l’épicerie, la décoration et les fournitures scolaires », explique l’Observatoire des Prix GMS. « Hema, Action, Gifi, ont été les tout premiers à investir le sol français, B&M et Normal ont suivi, et puis les enseignes françaises commencent donc à s’y mettre, en prenant les bonnes idées du modèle mais en les adaptant encore à la culture hexagonale : ainsi, Carrefour a renoncé à Dia mais compte ouvrir une multitude de magasins Supéco, aux allures bobos avec son design et ses rayons fraîcheur et bio surdéveloppés, mais aussi, aux prix beaucoup plus bas qu’en grande surface, et aux emplacements réfléchis pour attirer une clientèle purement urbaine ».

 

« Ce nouveau modèle est l’anti hypermarché aux dizaines de milliers de références, et aux rayons avec des produits sur des palettes, sans effort sur l’accueil et l’environnement. La crise des gilets jaunes a mis en lumière l’envie de discount des Français, l’envie de pouvoir acheter moins cher, mais sans qu’on leur renvoie sans cesse l’image de classe sociale sans pouvoir d’achat. Ils veulent se sentir respectés et désirés malgré leurs petits moyens, ils veulent qu’on les séduise avec des lieux et des services qui leur donnent le sentiment d’être accueillis et attendus, et c’est en cela que le soft discount est un modèle porteur : il réunit toutes les classes sociales alors que les anciens modèles des distributeurs les cloisonnaient par catégories de revenus », analyse l’Observatoire de la Consommation. « Dans les autres pays européens, ces nouveaux modèles sont très favorables au marché du travail et font travailler des milliers de personnes : s’il prend en France, et c’est bien parti pour, le soft discount pourrait faire tourner le vent et déboucher sur de très nombreux recrutements », conclut un spécialiste du secteur.

 

 




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